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Artistes

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi

Installée à San Diego, en Californie, nous sommes allés à la rencontre de Victoria Stagni pour une immersion totale dans son univers artistique. Adepte d’autoportraits et de portraits mettant en scène principalement des femmes entourées d’animaux, grande fan du Douanier Rousseau et Frida Kahlo, Victoria Stagni s’est confiée à nous avec chaleur.

Par Cécile Martet | 04 janv. 2024

Bonjour Victoria, merci de nous recevoir chez vous ! Pour commencer, parlons de votre envie de devenir artiste... 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Portrait de Victoria Stagni

Adolescente et jeune adulte, je dessinais beaucoup mais sans pouvoir imaginer en faire un métier un jour. J’ai pourtant grandi dans un environnement à forte tonalité artistique avec l’exemplarité de mes deux parents architectes. Il m’a fallu plusieurs années avant de m’autoriser à devenir celle que je voulais réellement être depuis le début : une créatrice et une artiste peintre ! 

Le déclic, je l’ai eu en quittant Paris pour venir m’installer à Bordeaux il y a bientôt huit ans. Je suis tombée sur un vieux chevalet oublié à la cave qui m’attendait comme une invitation. Il règne une atmosphère très spéciale à Bordeaux, une atmosphère qui stimule l’imaginaire et vous donne les clés de l’évasion créatrice. 

Quel a été votre parcours avant de vous installer à Bordeaux ? 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni en train de peindre

Après le bac, j’ai suivi des études d’Histoire à La Sorbonne, puis de communication sans trop me poser de questions. C’est avec un apprentissage de l’Art dramatique au cours Florent que j’ai alors amorcé un premier virage important dans ma vie. Suite à cela, j’ai été comédienne pendant presque 10 ans. 

Je pensais avoir trouvé ma voie, mais me suis progressivement rendu compte que j’étais insatisfaite, car en manque de liberté créatrice. Sur ce, j’ai quitté Paris pour Bordeaux. Je me suis inscrite au cours de peinture de Pierre Lafage à l’Atelier des Beaux-arts de Bordeaux et ai rapidement commencé un travail personnel, car comme vous pouvez l’imaginer, j’avais un énorme désir de m’exprimer sur la toile. 

Depuis maintenant deux ans, je vis en Californie, à San Diego, tout à côté de la mer. Je peux m’y promener tous les jours et cette proximité quotidienne avec la nature est une véritable source de recueillement et d’inspiration pour moi. 

Y a-t-il des artistes qui vous ont inspirée et vous inspirent encore aujourd’hui ? 

J’aime les compositions naïves et oniriques du Douanier Rousseau, la façon dont il peint la nature, les animaux, le merveilleux agencement des couleurs. Chez Frida Kahlo, ce sont bien sûr ses autoportraits : en particulier ceux en présence d’animaux qui sont d’une grande beauté. J’aime quand elle apparaît dans l’affirmation de son identité mexicaine. Lorsqu’elle vous regarde droit dans les yeux, elle n’est plus cette femme abîmée par le sort, mais une femme libre et puissante. 

Je suis très admirative du travail et des personnalités de grandes artistes telles que Camille Claudel, Rosa Bonheur ou encore, dans le registre littéraire contemporain, Virginie Despentes. J’admire en particulier l’audace et la pugnacité de ces femmes libres luttant pour leur indépendance artistique dans un monde d’hommes ! 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, The young woman with amaryllis, huile sur toile (81 x 100 cm)

Camille Claudel a refusé d’être cantonnée à un simple rôle de disciple de Rodin en développant une œuvre singulière d’une grande sensualité ; en dehors des courants artistiques de son époque. Rosa Bonheur n’a suivi que son instinct et ses désirs de création inspirés de la beauté animale. Despentes bouscule tout dans son style punk féministe pour en finir avec la phallocratie et la violence des hommes trop longtemps subie par les femmes. 

Quant à Klimt, c’est un homme qui sait représenter les femmes. Il célèbre leur beauté et réussit à les rendre désirables tout en préservant leur dignité. Une parfaite représentation de l’éternel féminin selon moi. Et puis, j’adore son utilisation des couleurs et du doré. Plus proche de nous, j’apprécie également beaucoup certaines œuvres réalistes de David Hockney pour son utilisation des couleurs et le climat un peu étrange qui règne autour de ses galeries de personnages. 

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont vos thématiques phares et pourquoi celles-ci ?

Parmi mes thématiques phares, on retrouve tout d’abord le rêve qui traverse presque toutes mes toiles. Sans doute l’héritage du réalisme magique puisé dans les lectures latino-américaines de mon enfance… Et puis, il y a l’amour de la nature peuplée d’animaux que je trouve tous fabuleux et fascinants. Je revendique ma propre animalité dans mes portraits et autoportraits, la fraternité qui devrait nous unir au reste du règne animal au lieu de nous en détourner à jamais. 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, Covid quotidien, huile sur toile (81 x 116 cm)

Plusieurs toiles sont clairement des plaidoyers contre la pollution et la destruction de l’environnement, et, plus généralement, pour la préservation de la nature. Certaines réalisations peuvent même prendre un tour plus engagé politiquement. Bien sûr, je ne peins presque que des femmes. Les peuples premiers sont également une source d’inspiration importante. 

Dans quelle mesure le féminisme joue un rôle prépondérant dans votre démarche ? 

Mon travail peut être perçu comme féministe en ce qu’il représente essentiellement des femmes qui évoluent dans un univers onirique où elles apparaissent libres, indépendantes, sensibles, tout à la fois puissantes et vulnérables… un univers où elles se passent très bien des hommes et de leur instinct de domination destructrice. 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, The dreamer, huile sur toile (66 x 100 cm)

Je terminerai avec la peur. Il y a souvent des éléments troublants car inquiétants, une menace qui plane dans mes tableaux. Ce sentiment vient alors brouiller une première lecture plus joyeuse inspirée par l’éclat des couleurs. Inconsciemment, la peur est toujours présente chez moi. 

J’ai reçu un sentiment profond d’insécurité en héritage : du jour au lendemain, j’ai dû fuir mon pays à l’âge de quatre ans, sans explication et chargée de l’angoisse de mes parents face à une mort imminente possible. La dictature militaire argentine a cette influence sur mes œuvres. 

Vous figurez dans quelques-unes de vos toiles. Pourquoi ? À quelle occasion peignez-vous d'autres personnes ? 

L’autoportrait a d’abord cela de pratique que vous n’avez à rendre de compte à personne ! Sur la toile, votre image n’appartient qu’à vous et vous pouvez jouer avec comme bon vous semble. Et bien sûr, c'est pour moi le meilleur moyen de parler de mes émotions et de faire passer mes idées sur la toile. 

Mes portraits sont réalisés à partir de visages et de postures qui m’inspirent, ce peut être un regard, un mouvement de la main, une expression. Il faut que je sente une communion entre ces visages et les animaux que je vais peindre dans le même tableau. Ce peut être des personnes que je connais personnellement ou simplement des modèles inconnus, mais inspirants. 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, Non comestible, huile sur toile (91 x 73 cm)

J’ai réalisé plusieurs portraits de femmes, des personnes plus ou moins proches, mais, dans tous les cas, j’ai eu le sentiment d’être un peu dépossédée de cette liberté totale si jouissive. Je me suis d’ailleurs inquiétée de la façon dont elles recevraient mes créations. Par ailleurs, j’ai représenté mes deux filles à plusieurs reprises, mais là encore, j’ai une responsabilité vis-à-vis du modèle. 

Parmi tous vos autoportraits, y en a-t-il un qui vous représente plus que les autres ? 

Je ne sais pas si un seul autoportrait me représente mieux qu’un autre... Ils sont comme autant de facettes de ma personnalité, d’instantanés de mes sentiments face à la réalité qui nous environne. Vous remarquerez sans doute que je choisis de me représenter souvent nue. Rien d’érotique ici. J’ai parlé du rêve et de la peur qui habitent souvent mes toiles : ma nudité se situe à la jonction de ces deux thèmes. 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, Bornéo, huile sur toile (91 x 73 cm)

Dans nos rêves, lorsqu’on se voit nu, c’est un moment de grande angoisse. On se sent extrêmement vulnérable dans un contexte, un environnement insolite sans qu’on ne puisse rien y faire. C’est peut-être là que je me reconnais le plus. Donc, il y aurait peut-être Les Augures ou dans un autre registre Bornéo

Considérez-vous qu'être une femme artiste aujourd'hui soit une chance, un frein ? 

Victoria Stagni : Entre réalisme et onirisme, la figure du Soi
Victoria Stagni, The ceremony, huile sur toile (61 x 76 cm)

Je pense que c’est une chance, bien sûr ! Les femmes commencent tout juste à faire entendre leur voix, à imposer leurs valeurs dans une société en mutation. Regardez par exemple dans le domaine de la musique et de la chanson où de plus en plus de femmes se distinguent comme de grandes artistes, (presque) à égalité avec leurs contemporains masculins.

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